vendredi 17 avril 2009

Chapitre 7 : Substitutions.

Jean-Marie Fondar tournait comme un lion en cage, ce qu’il était d’ailleurs -pas un lion, mais en cage. Une cage dorée, tout à fait semblable, en un peu moins grande, à celle de sa collègue, dont il ignorait la détention à quelques mètres de lui. Même décoration sobre et de bon ton, avec quelques tableaux de ce mystérieux « DV », et gadgets identiques pour tuer le temps. Jean-Marie eut tôt fait de se lasser des images de la fausse baie vitrée, et avait fini par laisser la télé allumée sur CTI, dans l’espoir d’avoir quelques nouvelles ayant un quelconque rapport avec leur enlèvement.

Le jeune homme était certain d’être espionné à son insu, et sa nervosité n’avait d’égale que sa rage d’être aussi ridicule. A son réveil, il s’était retrouvé privé de tous ses vêtements, de sa montre et de son portable dernier cri, mais pas complètement nu pour autant. Ses geôliers avaient jugé très spirituel de l’affubler d’un caleçon rose à petites fleurs jaunes, d’un peignoir de bain violet à pois rouges, et de charentaises mauves à pompons fuchsia de deux pointures trop grandes. Jean-Marie avait fouillé les quelques commodes et placards de sa prison en pure perte. A moins de se mettre à poil, il allait devoir se contenter de cette tenue grotesque.

Contrairement à Mylène, le jeune journaliste n’avait pas eu droit à une visite personnelle de Fantômarx, mais celui-ci lui était apparu sur l’écran paysager, sur fond de muraille beige, pour lui présenter les lieux :

-J’ose espérer que ce modeste appartement vous conviendra, M. Fondar. Vous n’aurez à l’apprécier que quelques jours, le temps de mener à bien mon projet de réjouissances pour les fêtes de fin d’année. Je vous promets que votre ravissante amie et vous-mêmes serez libérés le jour de Noël. Ce sera mon petit cadeau !

-Et ces frusques ridicules, c’est aussi un cadeau ?

Un fin sourire s’était dessiné sous le souple masque rouge :

-Disons que c’est ma petite revanche personnelle, en réponse à votre numéro prétendument comique sur Téléfrance 1. J’ai un faible pour les gags visuels. Par ailleurs, cela devrait vous dissuader de tenter de vous évader…vous seriez un rien repérable dans les couloirs de mon repaire secret !

Vers 19h30 –si l’on en croyait la pendule de CTI-, un type en combinaison grise et cagoule noire, escorté d’un autre gaillard baraqué et armé, franchit la porte coulissante aménagée dans le mur de pierre blonde pour lui apporter son repas sur un petit chariot aux roulettes bien huilées. N’ayant rien mangé depuis le matin, Jean-Marie mourait de faim et se jeta sur la nourriture. Terrine de saumon, magret de canard aux petits légumes, fromage, tarte au chocolat, le tout arrosé d’un excellent bordeaux.

-Pour la bouffe, au moins, on ne se fiche pas de moi, songea-t-il en dévorant le tout.

A 20 heures, il digérait sur son canapé-lit devant le journal télévisé Téléfrance 1, dont le premier titre le mit en haleine :

« Fantômarx frappe à nouveau ! »

La jolie présentatrice embraya quelques instants plus tard :

« Nous apprenons de source officielle que vers 11 heures, ce matin, deux de nos collègues ont été enlevés par Fantômarx… »

Le sujet en images commentées lui montra l’immeuble de la rue de Kabylie, devant lequel se tenait une escouade de flics.

« C’est dans cet immeuble en rénovation, totalement inhabité, que Mylène de Castelbougeac et Jean-Marie Fondar avaient rendez-vous avec le fameux criminel pour une interview. Une interview qui s’est révélée être un guet-apens. A peine sur place, les deux journalistes ont été paralysés par des fléchettes anesthésiantes, et transportés par un passage souterrain vers la cave d’un autre immeuble. Nos deux collègues faisaient l’objet depuis la veille d’une surveillance particulière de la part des autorités, comme nous l’explique le commandant Pourteau, du GASP… »

Un visage aussi bourru que moustachu apparut à l’écran :

« Ils craignaient pour leur sécurité, après l’enregistrement de leur sketch tournant Fantômarx en ridicule. Aussi ont-ils d’eux-mêmes accepté que l’on mette en place un dispositif discret de surveillance et de protection. M. Fondar était équipé d’un petit émetteur, qu’il n’a malheureusement pas eu le temps d’actionner avant d’être réduit à l’impuissance. De ce fait, notre brigade de choc a perdu un temps précieux avant d’intervenir… »

Jean-Marie fronça ses épais sourcils bruns : qu’est-ce que c’était que cette histoire ?

Téléfrance montrait à présent un autre immeuble, particulièrement vétuste et recouverts de tags.

« C’est dans ce bâtiment à l’abandon du XVIIIe arrondissement, livrés aux vandales et squatters, que les policiers ont retrouvé il y a moins d’une heure Jean-Marie Fondar et Mylène de Castelbougeac. C’est un coup de fil anonyme qui leur a permis de se rendre sur place, et d’y découvrir nos confrères ligotés et en sous-vêtements, debout sur des tabourets branlants avec une corde autour du cou. Sur un mur, cette inscription faite à la bombe à peinture :

VOILÀ CE QUI ATTEND LES MAUVAIS JOURNALISTES.

LA PROCHAINE FOIS, JE POUSSERAI LE TABOURET.

Signé : FANTÔMARX.

Ce simulacre de pendaison a selon les victimes, duré près d’une heure, après que leurs ravisseurs les eurent abandonnés dans cette abominable situation. Grelottant de froid, à bout de forces, les victimes ont été transportées à l’hôpital américain de Neuilly, où le président Zarkos vient de leur rendre visite… »

Suivait l’inévitable prestation du Chef de l’Etat, qui affichait une mine aussi compatissante que déterminée :

« Une fois de plus, ce dénommé Fantômarx montre à quel point il méprise les valeurs de liberté et de tolérance qui sont les nôtres. Je viens de rencontrer Mylène de Castelbougeac et Jean-Marie Fondar, qui ont fait preuve de beaucoup de courage. Je leur ai dit toute mon admiration, et leur ai promis que ce monstre serait bientôt hors d’état de nuire. »

La présentatrice interrompit le reportage :

« On m’annonce que nos deux confrères sont prêts à répondre à nos questions, en direct de l’hôpital américain de Neuilly. C’est une exclusivité Téléfrance ! »

Stupéfait, Jean-Marie Fondar se découvrit à l’écran, en compagnie de Mylène. Vêtus d’un épais peignoir blanc, assis sur des fauteuils dans ce qui semblait être une chambre d’hôpital, les deux journalistes ne semblaient pas péter la forme :

-Vous avez tenu, malgré l’avis des médecins, à vous exprimer dès ce soir. Pourquoi ?

Le prétendu « Fondar » répondit le premier :

-Mylène et moi, nous voulons surtout faire passer un message à ce criminel, qui se prétend l’ami du peuple et des petits gens : vos méthodes ne peuvent inspirer que le dégoût, Fantômarx ! Jamais vous n’empêcherez la presse de faire son travail !

Mylène enchaîna, d’une petite voix brisée :

-Et moi, je tiens à remercier la police, et surtout M. le Président de la République, qui s’est si vite rendu à notre chevet pour nous réconforter : merci, merci, M. Zarkos !

*

Dans son appartement-prison, Mylène avait suivi la scène en même temps, et la colère venait de chasser la stupeur :

-Mais qui c’est, cette gourdasse ? Je rêve ou quoi ?

Il lui fallait reconnaître que la substitution était parfaite, même si le ton niais de sa doublure –on pouvait presque parler de clone- l’ulcérait au plus haut point. Mais le pire survint peu après, lorsque sa propre mère et sa soeur apparurent à l’écran :

-Nous sommes vraiment soulagées…Mylène a été secouée, mais elle va bien…toujours aussi combative ! Elle nous a dit qu’elle avait bien l’intention de reprendre le boulot au plus vite…

Même eux s’y étaient laissé prendre ! C’était à devenir dingue !

-Quels sont ses projets ? demanda la présentatrice à la mère de Mylène.

-Elle doit accompagner le Président de la République, mardi prochain, en voyage officiel au Brésil. Jean-Marie sera là, lui aussi…il est comme elle, un vrai battant !

La jolie blonde se mordit le poing : elle commençait à comprendre ce que tramait Fantômarx.

*

En ce lundi 22 décembre, une masse d’air sibérien avait envahi la France, faisant tomber la température et les Sans Domicile Fixe, dont la crise économique se chargeait fort heureusement de regonfler les effectifs. Dans la soirée, un brouillard glacé enveloppait la capitale et nimbait les illuminations de fin d’année d’un halo très esthétique.

Le commissaire Labrousse contemplait le tapis lumineux de Paris depuis la cabine d’ascenseur qui montait dans les flancs d’aluminium de la Tour Eiffel. La Dame de Fer elle-même était drapée de son manteau bleu étoilé clignotant, coûteuse illustration de la présidence française de l’Union européenne qui devait s’achever neuf jours plus tard.

A cette heure tardive, le monument était fermé au public, mais une dérogation spéciale venue du plus haut sommet de l’Etat avait permis au commissaire d’accéder au dernier niveau, moyennant présentation d’un badge aux gorilles montant la garde au pied de la Tour. Labrousse avait rendez-vous devant le pilier Nord.

-C’est en règle, dit simplement le malabar au crâne rasé. Vous pouvez monter avec mon collègue, commissaire.

Au rythme poussif du vieil ascenseur, Labrousse et son escorte aussi muette que baraquée se rapprochaient peu à peu du dernier étage de la Tour. Cela lui donnait largement le temps de gamberger. D’abord sur le lieu et l’heure de ce « rapport » qu’il devait remettre au Chef de l’Etat. Il se murmurait au GASP que Zarkos n’avait plus confiance en personne, et était devenu complètement parano. Seule sa garde rapprochée (conseillers spéciaux, directeurs de cabinet, et gardes du corps) disposaient encore d’un crédit tout relatif. Il était encore mal remis de l’affaire du faux CD de Carola, au moins autant que des malheurs de ses ministres victimes de Fantômarx. Il ne pouvait y avoir que trahison derrière tout cela ! Et l’Elysée devait grouiller d’agents ennemis, de micros et autres gadgets visant à saboter l’ouvrage héroïque du Président. Celui-ci avait donc pris l’habitude de multiplier les rendez-vous de travail confidentiels dans les endroits les plus inattendus et aux heures les plus bizarres, avec convocation des participants à la dernière minute.

La dernière réunion du genre avait ainsi eu lieu dans une péniche ancrée en bord de Seine, à midi et demie. Pour celle de ce lundi soir, à minuit moins le quart, Labrousse n’avait reçu sa convocation qu’à dix heures, alors qu’il rentrait chez lui. Il était crevé, et espérait quelque part que Zarkos allait lui demander de démissionner. Et il y avait de quoi : son plan visant à coffrer ou abattre Fantômarx avait lamentablement foiré, et c’était un miracle que les deux journalistes s’en soient tirés de la sorte. Et non moins miraculeux qu’ils se soient montrés si coopératifs devant les médias, en ne pipant mot de la violation manifeste de vie privée dont ils avaient été victimes de la part du GASP. Car évidemment, leurs ravisseurs s’étaient fait une joie de leur révéler, avant de les abandonner en fâcheuse posture, que leurs vêtements, montres et portables avaient été dotés d’une puce électronique destinée à les filer partout.

Les portes de l’ascenseur s’ouvrirent enfin, laissant un vent glacial s’infiltrer dans la cabine. Il y eut un nouveau contrôle, et autre gorille en costume sombre conduisit Labrousse le long de la coursive grillagée du dernier étage. De là haut, la brume qui recouvrait Paris semblait encore plus épaisse, et scintillait de l’intérieur comme une vitrine de Noël embuée.

Le Commissaire fut introduit dans le petit salon conçu par Gustave Eiffel, transformé en musée abritant les meubles et outils de travail de l’ingénieur dont l’oeuvre avait été choisie pour l’exposition universelle de 1889. Dans ce décor « Belle Epoque », fort heureusement bien chauffé, le Président et trois autres hommes l’attendaient autour d’une petite table où fumait un thermos de café, près d’une assiette pleine de macarons.

Zarkos, en bras de chemise, vint lui serrer la main avec un grand sourire. Ses traits étaient tirés, et de grosses valises brunes pendaient sous ses yeux de cocker. Mais une évidente bonne humeur transcendait visiblement son état physique. Labrousse, quelque peu intrigué, salua également les trois autres : les conseillers du Président, Henri Nagant et Charles Guéhaut, et le directeur du renseignement intérieur, Samuel Barcino. Eux aussi paraissaient à la fois joyeux et épuisés.

Labrousse posa sa mallette sur un secrétaire en merisier garni de ferrures étincelantes :

-Eh bien, messieurs, je vous ai apporté le dernier rapport de situation…

-Inutile ! le coupa sèchement Zarkos. Je ne vous ai pas fait venir pour ça.

-Mais, M. le Président, votre secrétaire…

-Ma secrétaire vous a dit une chose, moi je vais vous en dire une autre…

« Ça y est, songea Labrousse, le savon commence. Tant mieux, qu’on en finisse ! »

Le Président agitait sa tête d’une épaule à l’autre. Ses trois compères restaient un peu plus stoïques, quoique souriants. Ils allaient se payer sa fiole, les salauds !

-D’abord, je tiens à vous féliciter ! Sincèrement…Vous avez fait du bon boulot, Francis.

Labrousse en resta abasourdi. Il devait avoir mal entendu.

-Je vous demande pardon ?

-Je comprends votre surprise, ironisa Barcino –un vrai méchant sous son air de bon gros méridional. Il ne s’agit pas des effets espérés de votre plan génial, mais de ses conséquences inattendues. Sans votre initiative, nous n’aurions pas eu l’opportunité qui s’offre à nous…

Perplexe, Labrousse grattait sa barbe plus sel que poivre.

-Je ne saisis toujours pas, je suis navré…

Zarkos souriait toujours.

-Expliquez-lui, Barcino…Et vous, Francis, prenez donc un macaron : ce sont mes préférés !

Le patron de la DCRI s’éclaircit la gorge, ménageant ses effets tandis que Guéhaut tendait à Labrousse une tasse de café noir.

-Hier soir, peu après la récupération les deux journalistes, j’ai été directement contacté par un informateur, ou plutôt une informatrice, qui prétend être membre de l’organisation de Fantômarx. Elle refuse pour l’instant de nous révéler son identité.

-L’appât du gain ?

-Non…notre prime d’un million d’euros ne l’intéresse pas. Elle ne veut que la renonciation à toute poursuite judiciaire à son endroit, et bien entendu une protection renforcée après que nous ayons mis ce salaud hors d’état de nuire, nouvelle identité, et tutti quanti… Il n’y aurait chez elle que des motivations d’ordre moral, ou selon ses propres termes, « sentimentales » !

-Si le pognon ne marche pas, essayez le cul ! intervint finement Guéhaut.

-Ouais, ouais, grommela Barcino. Je peux continuer ?

Le conseiller spécial se rembrunit, et laissa l’autre poursuivre.

-Cette informatrice nous a donné diverses précisions renforçant sa crédibilité, que seuls des personnes très impliquées dans l’enquête pouvaient connaître. Et surtout, elle nous a envoyé par courriel, depuis un cybercafé, des renseignements nouveaux de la plus haute importance concernant la façon dont Fantômarx a pris l’apparence du moniteur de parachutisme et de l’employé de Christophe Rodi. Tenez-vous bien, c’est hallucinant…

« Notre salopard aurait trouvé le moyen de copier parfaitement un individu (être humain, animal ou objet quelconque), par ce que notre informatrice appelle la « transmutation moléculaire ». Il ne s’agirait pas d’un clonage ou d’une duplication, mais de la transformation d’un objet A en objet B, par imitation parfaite de l’objet B pris pour modèle. Au lieu d’un A et d’un B, on a deux B. Cela ne serait possible qu’entre deux corps de même gabarit. Par exemple, un adulte ne pourrait prendre la forme d’un enfant, ou vice versa. Cela expliquerait l’origine de la fortune mystérieuse de Fantômarx : de vulgaires bouts de papier seraient ainsi transmutés en billets de banque, de la ferraille en or, des cailloux en diamants, etc…Le procédé serait par ailleurs réversible.

-C’est aberrant! s’exclama Labrousse. Du pur délire ! Aucune technologie au monde ne permet une telle chose ! Votre informatrice vous mène en bateau.

Barcino esquissa un sourire de ses lèvres lippues. Avec son nez crochu, son teint bistre et ses cheveux huileux, il aurait fait le régal des caricaturistes antisémites d’avant-guerre.

-Je l’ai pensé comme vous, mon cher. Mais notre informatrice a apporté quelques éléments à l’appui de ses dires. A son courriel était jointe une formule de test ADN, que seuls des laboratoires de pointe peuvent effectuer, et qu’elle nous suggérait d’appliquer aux deux journalistes, Fondar et Castelbougeac. Nous avons profité de leur séjour à l’hôpital –ils ne sont sortis que ce midi- pour prélever les échantillons nécessaires : sang ou urine, les toubibs vous en pompent toujours un peu pour des examens de routine. Par ailleurs, une équipe spéciale s’est chargée de fouiller leurs appartements afin de relever d’autres traces ADN. Les salles de bain sont pleines de déchets révélateurs : cheveux, rognures d’ongles, serviettes hygiéniques usagées, etc…

-Et alors ? s’impatienta Labrousse, qui venait de constater avec déplaisir une tache de café sur son veston.

-Nous avons fait chauffer nos meilleurs labos toutes la journée, avec le protocole de test fourni par…hum, celle que nous avons choisi d’appeler « Cana ».

-C’est une idée à moi ! intervint à nouveau, tout fier, le conseiller Guéhaut. Cana, pour les noces de Cana, la parabole de l’eau changée en vin !

Barcino leva au ciel ses yeux globuleux, histoire de manifester son agacement.

-Voilà, voilà…donc, nous avons fait comparer les échantillons : ceux de l’hosto et ceux des appartements. Ils divergent. De très peu, à vrai dire, et des analyses ordinaires n’auraient sans doute rien décelé. Mais nos chimistes sont formels : les Fondar et Castelbougeac retrouvés hier dans ce squat du 18e ne sont pas ceux qui ont vécu dans leurs domiciles respectifs jusqu’à dimanche matin.

Labrousse en resta bouche bée.

-C’est incroyable ! Je dois pourtant me rendre à l’évidence. Et y a-t-il un moyen d’identifier l’ADN des « intrus », ou des « copieurs » ?

-Nos chercheurs y travaillent, mais l’empreinte des gènes copiés est écrasante. Et il leur faudrait d’autres échantillons provenant de personnes suspectes pour établir d’éventuelles similarités. En tout cas, preuve est faite que Fantômarx a passé le braquet supérieur, avec cette tentative de nous infiltrer.

-Mais infiltrer quoi ?

-Le groupe de presse trié sur le volet qui doit m’accompagner au Brésil demain, déclara soudain Zarkos d’une voix grave. Ces deux journalistes font partie des reporters auxquels je fais toute confiance. De vrais pros, objectifs et consciencieux…

« Disons plutôt des Zarkosiens de la première heure, toujours prêts à vous lécher les pompes », rectifia aussitôt en pensée le commissaire Labrousse, qui connaissait bien les fiches des deux journalistes.

-Fantômarx prépare un coup contre moi, reprit le Président, et cette… « Cana » le confirme. Ces deux « copies » doivent profiter de mon séjour au Brésil pour m’enlever.

-Et sans doute vous remplacer par une autre copie, ajouta Labrousse.

-Vous imaginez la catastrophe ? s’exclama Henri Nagant, l’autre conseiller. Un fou furieux à l’Elysée, prêt à appliquer un programme délirant qui détruirait la France et l’Europe !

« C’est curieux, songea Labrousse, mais je n’ai pas tant de mal à l’imaginer. »

-Je suppose que vous avez déjà un plan, dit-il en se tournant vers Barcino.

-En effet, acquiesça le patron de la DCRI. Pour commencer, ne pas perdre de vue nos deux lascars, selon la procédure habituelle, mais allégée afin de ne pas leur donner des soupçons. Eux seuls peuvent nous mener au cœur de l’organisation que nous devons démanteler, à moins que Cana daigne nous en révéler plus, mais il ne faut pas compter là-dessus pour l’instant. Elle a déjà pris d’énormes risques, et craint elle aussi d’être surveillée.

-Si ça se trouve, Fantômarx lui-même est peut-être déjà à notre portée, sous les traits de Fondar ! C’est rageant de devoir le laisser agir…

-Nous ignorons totalement si Fantômarx lui-même a pris ce risque, dit Zarkos. En tout cas, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Il faut laisser croire à ces salauds qu’on se laisse manipuler. Les toubibs ont permis à ces deux faux journalistes de reprendre le boulot, et ils iront avec moi au Brésil. Là-bas, nous leur tendrons un piège…dont je serai l’appât.

-Mais c’est extrêmement risqué pour vous, M. le Président ! protesta Labrousse. Vous serez en première ligne !

Lucas Zarkos baissa la tête, et prit une mine de conspirateur en prenant le commissaire par l’épaule :

-Francis, je vais vous dire une chose…vous allez faire partie du tout petit cercle de gens au courant de l’un des secrets les mieux gardés de la République. Ce que vous allez entendre est classé « top-secret-défense-total-motus-si tu parles t’es mort » ! Mais avant, prenez donc un macaron…

Labrousse prit un gâteau, et écouta la suite. Il ne regrettait pas, finalement, d’avoir poursuivi le boulot au-delà de la limite d’âge.

A suivre…

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